HAKUIN

HAKUIN
HAKUIN

Au cours des époques Kamakura et Muromachi, l’apport des moines zen à la culture et à l’art japonais fut considérable. À Ky 拏to, sous le patronage des Ashikaga, ils ont joué un rôle de premier plan. C’est alors que les Gozan (les cinq grands monastères de la capitale) répandirent la culture des Song parmi les guerriers et l’aristocratie de la cour. Ils renouvelèrent la littérature à la mode chinoise et exercèrent aussi leur influence sur les lettres japonaises. Dans l’art, la peinture monochrome devait élargir le domaine pictural. Dès la fin du XVe siècle, cependant, cette période brillante commence à décliner. Leurs liens avec les classes dirigeantes (guerriers et nobles) entraînent les moines vers les raffinements d’un académisme. En outre, la peinture au lavis (suiboku-ga ) s’est répandue parmi les artistes professionnels, et les monastères ne sont plus les centres de création picturale qu’ils avaient été jusqu’alors.

Les guerres civiles qui ensanglantent le pays privent les moines de leurs appuis politiques. Ils se tournent vers les grands marchands, que l’affaiblissement du pouvoir shogunal et l’anarchie qui menace Ky 拏to contraignent à prendre en main les destinées de la capitale. D’autres moines vont dans les provinces fonder de nouveaux établissements. C’est dans le grand port de Sakai que, parmi les marchands, Sen Riky élabore les règles du wabi sad 拏 (cha-no-yu), tandis qu’à Ky 拏to se forme le kad 拏 ou ikebana (arrangements de fleurs). Nobunaga et Hideyoshi, soucieux d’élégance, adoptent cette mode et font des moines zen leurs conseillers. Mais, voulant unifier le Japon, Tokugawa Ieyasu, adepte du néo-confucianisme, prend soin de maintenir les moines dans un rôle strictement religieux. D’ailleurs, la calligraphie restait pour ces derniers une sorte de discipline spirituelle. Takuan Shuh 拏 (1573-1645), abbé du Daitokuji, participe au retour aux modes d’écriture de l’époque Heian qui se manifeste dans l’aristocratie de la cour et parmi les riches marchands. Ceux-ci, revenant aux sources de la culture japonaise classique, expriment ainsi une sorte de résistance au gouvernement d’Edo. Takuan initiera au zen l’empereur Gomizunoo (1596-1612) et à la calligraphie Konoe Nobutada (1565-1614), l’un des trois grands pinceaux de l’époque. Selon John Rosenfield, il aurait aussi exercé une certaine influence sur Hon.ami K 拏etsu. Moyen d’édification des fidèles, les peintures de Takuan se distinguent par des procédés moins sophistiqués, négligeant le détail pour l’essentiel. Il en est de même de son disciple Fugai Ekun (1568-1654) qui, après une vie d’errance, termina son existence dans une grotte. Leurs successeurs, vivant dans des ermitages campagnards, parmi les propriétaires terriens et les paysans, s’adonnent souvent à une calligraphie excentrique et, dans leurs œuvres peintes sur du papier grossier, expriment un certain «primitivisme» souvent empreint d’humour. Ces œuvres données à des paroissiens ont été longtemps négligées par les historiens d’art orthodoxes et n’ont été appréciées que depuis peu de temps. Pour la distinguer des lavis des époques antérieures qui, plus qu’une doctrine religieuse, reflétaient l’idéal des lettrés des époques Song et Yuan, on donne à cette peinture néo-zéniste le nom de zenga . Calligraphe et peintre, Hakuin Eikaku est l’un des artistes les plus doués de cette manière nouvelle.

Un moine exceptionnel

Hakuin naquit dans la région de Shizuoka (T 拏kaid 拏) et entra à quinze ans au monastère du Sh 拏inji, à Hara (centre de Honsh ), monastère dont son père Soi était un paroissien fervent. Il mena ensuite une vie d’errance, se rendant auprès de nombreux maîtres du Zen pour y approfondir ses connaissances. Atteint de tuberculose à l’âge de vingt-six ans, il surmonta sa maladie et fut, à trente-trois ans, appelé à de hautes fonctions au My 拏shinji de Ky 拏to, l’un des grands centres de la secte Rinzai à laquelle il appartenait. Il n’y séjourna qu’une dizaine d’années et, pour répondre au vœu de son père, retourna au Sh 拏inji où il réunit une importante communauté. Ses nombreux ouvrages pieux, son autorité en firent un nouveau patriarche de la secte qu’il devait renouveler. Un moine d’une telle valeur ne pouvait, disait-on, apparaître que tous les cinq cents ans. Il mourut en 1768, au Ry 拏takuji, qu’il avait fondé dans la province d’Izu pour son disciple T 拏rei Enji, et fut enterré dans son propre monastère.

Le moine-peintre

Maître du haiku (poème de dix-sept syllabes), Hakuin fut aussi un calligraphe de talent et semble s’être exercé tardivement à l’art de peindre. La plupart de ses œuvres ne sont pas datées et l’on commence seulement à en établir la chronologie.

Dans ses calligraphies, d’une grande vigueur, on décèle l’influence des moines chinois de la secte zen Obaku qui, en 1659, avaient été autorisés à s’établir au Mampukuji, près d’Uji. Ceux-ci lui firent connaître l’écriture des Ming et de certains «excentriques» chinois du XVIIe siècle. Il est considéré au Japon comme le maître du kaish 拏 (écriture carrée). Cependant son style resta très personnel. Son pinceau attaque le papier avec violence. Souvent très chargé d’encre, il laisse autour des traits une sorte de buée, que le papier encollé n’a pas complètement absorbée. Il s’agit fréquemment d’un seul caractère qui suffit à évoquer un thème de méditation, tel mu – rien, ou le vide –, synthèse de toutes les contradictions qui sont résolues dans l’Illumination. Des calligraphies accompagnent aussi sous forme de poèmes ou d’adages la plupart de ses peintures.

Ses premières œuvres peintes ne semblent pas remonter au-delà de 1740. On sait qu’il a, à ce moment, rencontré Kan 拏 Tany , dont une des œuvres porte une inscription de sa main. Mais on ignore si l’influence de ce maître s’est exercée sur lui. Une de ses premières peintures, le portrait de Shoku Kojin à qui il avait succédé au My 拏shinji, est finement tracée à la mode de son temps. Un autre portrait qu’il peignit vers la cinquantaine, celui de Yoshun Waj 拏 au Ry 拏zenji, révèle un pinceau fin et peu chargé d’encre. C’est vers 1760, semble-t-il, qu’il trouva une manière très personnelle avec des traits largement brossés, des noirs épais et des déformations allusives. Ses thèmes sont variés: paysages, portraits, objets usuels ou divinités, mais tous ont une portée édifiante et tendent à transmettre un message rendu plus sensible par le commentaire qui les accompagne. Il ne recherche pas la beauté, car celui qui atteint l’Illumination est parvenu au-delà du Bien et du Mal, du Beau et du Laid.

Ses portraits de grands moines, ses représentations de Bodhidharma, fondateur du Zen, se distinguent par une tendance presque caricaturale et souvent empreinte d’humour. Les personnages, de profil ou de trois quarts, ont des yeux très caractéristiques, la pupille très noire se détache sur la cornée très blanche et très grande.

Hakuin a repris certains thèmes song, tel celui du singe suspendu à une branche et tentant d’attraper dans l’eau le reflet de la lune; un poème l’accompagne:
DIR
\
Il continuera jusqu’à la mort
S’il lâche (la branche), il tombera au fond
La lumière brille, claire, dans toutes les directions./DIR

Les objets usuels, pilon, chandelier, les symboles populaires sont utilisés pour frapper les imaginations.

Bon nombre de ses œuvres sont restées dans des monastères, mais d’autres étaient destinées au tokonoma des chashitsu (pavillon de thé) et évoquent, tout à la fois, l’atmosphère détendue et hors du temps qui règne au cours des cérémonies du thé et le goût de la bourgeoisie du temps.

Certains de ses disciples se sont aussi distingués dans l’art de peindre, tel Sui 拏 Eiboku (1716-1789), qui avait été l’élève d’Ike no Taiga avant de se joindre à la communauté du Sh 拏inji, et T 拏rei Enji (1721-1792), abbé du Ry 拏takuji.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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